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Souvenirs de Chaumont |
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A Chaumont au-dessus de Neuchâtel se trouve un endroit paisible avec une vue imprenable sur le couchant, c'est Pré Louiset.
De nombreux promeneurs ont passé par là, quelques pique-niqueurs s'y sont arrêtés le temps de griller un cervelas, probablement que d'autres, plus curieux, se sont demandés ce que voulaient dire les inscriptions que l'on trouve sur deux blocs erratiques de part et d'autre du petit pavillon. En cherchant un peu, on retrouve une page de l'histoire de ce lieu.
Déchiffrons d'abord ces inscriptions.
Sur le premier bloc erratique, qui se trouve au bord du sentier qui mène à Pré Louiset on peut lire:
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A LA MEMOIRE |
Sur le deuxième bloc erratique, situé au Nord-Ouest du Pavillon de Pré Louiset, un peu dans les noisetiers on peut lire:
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EDMOND ET MATHILDE DE PURY |
Commençons par retrouver l'histoire qui se cache derrière cette deuxième inscription. Le dictionnaire historique de la Suisse sous la plume de Laurent Langer nous informe sur la filiation d'Edmond de Pury et de son épouse Mathilde:
Edmond Jean de Pury est né le 6 mars 1845 à Neuchâtel, dans une
famille de confession protestante, il porte de titre de Baron. Il est fils d'Alphonse Louis de Pury, directeur de la Caisse d'épargne et d'Uranie de Muralt. Il se marie en 1881 avec Uranie de Marval, veuve de Paul-Frédéric Carbonnier. Il se remarie en 1887 avec Mathilde Wagnière, peintre, fille de Pierre Wagnière banquier. Edmond Jean de Pury étudia la peinture à Paris dans l'atelier de Charles Gleyre (1863-1867) et à l'Ecole des beaux-arts (1868). Ensuite il séjourna en Italie et s'installe à Venise en 1885 où il passa les étés, habitant Neuchâtel en hiver. Il exposa aux Salons de Paris de 1875, 1881 avec mention et 1888. Sa production est partagée entre des scènes de la vie populaire des îles lagunaires et des portraits de la société huppée internationale (Pierre Loti, baron Hans von Bülow, prince Bojidar Karageorgévitch). Ses œuvres sont assez connues, on les trouve dans nos musées. Concernant la famille de Pury, première mention en 1370 sous le nom de Perrinus, elle est originaire du Val-de-Ruz, bourgeoise de Neuchâtel avant 1396, possédant la bourgeoisie externe de Valangin. Elle fut anoblie en 1651 pa Henri II d'Orléans-Longueville. Son nom, officiellement fixé en Pury en 1709 (diplôme de noblesse décerné par le roi de Prusse), est solidement rattaché à l'histoire neuchâteloise.
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Quelques-unes des œuvres d'Edmond Jean de Pury
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Canal à Venise | Femme Algérienne | Jeune fille romaine | Pêcheur à Venise |
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Pêcheur à Venise | Portrait d'une femme | Sisterly | Prince Bojidar Karageorgévitch |
Venant on maintenant au premier bloc erratique avec l'inscription en la mémoire du prince Bojidar Karageorgévitch. On trouve pléthore d'information sur ce prince.
Le prince Bojidar Karageorgévitch est né le 11 janvier 1862, il fait partie de la Maison de Serbie. Il est le second fils du Prince George Karageorgévitch et de Sarka Anastasijevic. Il a beaucoup voyagé. Il gagnait sa vie comme journaliste, critique d'art et traducteur. Il a vécu exilé avec toute sa famille en France après que le Prince Alexander Karadjordjevic aie perdu le trône de Serbie en 1858. Il a servit dans l'armée française, a fait la campagne du Tonkin et fut décoré de la Légion d'Honneur. Suite à son voyage aux Indes, il reporte ses expérience dans un livre qui est d'abord publié en anglais sous le titre: Enchanted India et en août 1899 en français sous le titre très simple, très bojidaresque: Note sur l'Inde. A Paris il fréquentait les cabarets de Montmartre où il fit la connaissance notamment de Sarah Bernhardt et de Henri de Toulouse-Lautrec. Il décède à Versailles le 14 avril 1908.
Maison de Serbie |
Quelques pages de la version anglaise de son livre que l'on peut consulter ici
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Finalement on trouve les liens entre Edmond et Mathilde de Pury et le Prince Dojidar Karageorgévitch dans une livre qui retrace toute la vie, l'œuvre et le milieu du Prince.
Vers la fin de sa vie, s'il demeure le "prince Kara" pour un plus grand cercle, "Bojidar, oeuve d'art" par une assimilation de l'image, est devenu "Boji d'art" pour les intimes, et même "Bijou d'art" pour les femmes.
Voici quelques extraites de ce livre qui nous fera finalement comprendre le pourquoi de cette épitaphe sur ce bloc erratique du Pré Louiset. Ce livre de 1978 est encore disponible aux éditions L'AGE D'HOMME à Lausanne
Si le portrait peint par Lacombe est désormais
introuvable, il en existe cependant deux de la même époque, par un
autre ami de Bojidar qui lui est proche en ces années - Edmond de
Pury. Ils se connaissent depuis 1893, lorsque Bojidar s'arrêta à
Venise avant d'entreprendre son long voyage dans les Balkans.
Souvent chez les Pury à Venise, Bojidar vient en août 1901 pour la
première fois au Pré-L'Huiset (ou Pré-Louiset), leur propriété sur
les hauteurs de Chaumont, au-dessus de Neuchâtel. C'est là, à 1175
mètres, qu'ils mettent à disposition - même quand ils n'y sont pas -
une petite maison qu'ils appelleront "Bojide"
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Probablement que lors de votre prochain passage à Pré Louiset vous regarderez ce lieu autrement.